Embrasser la complexité




La complexité n’est-elle pas devenue une caractéristique de nos sociétés, plutôt qu’un bug ? Comment pourrions-nous regagner le contrôle de nos flots d’information, de notre temps ? Pouvons-nous aborder la complexité d’une façon plus productive ? Pouvons-nous mieux la comprendre, mieux la maîtriser ? Tel étaient les questions adressées par les organisateurs de la seconde édition de laconférence Lift France qui se tenait la semaine dernière à Marseille, à la fois à un designer, à un vidéaste et à une ethnologue. Forcément, cela a apporté des réponses multiples.
Visualiser la complexité


Sommes-nous en train de découvrir une nouvelle vision du monde, aussi différente de la vision mécanique newtonienne du réel, que celle-ci le fut de la vision aristotélicienne qui domina tout au long du Moyen-Age ? Le mot clé de cette supposée révolution cognitive, ce serait la “complexité”. Sous cette bannière se regroupe l’ensemble des phénomènes capables de s’organiser spontanément de manière très élaborée, sans intervention d’une intelligence extérieure.





C’est dans le but de mieux comprendre cette révolution de la complexité que le designer Manuel Lima a créé le site Visual Complexity.


Dans sa présentation à Lift le 7 juillet, Manuel Lima a résumé l’actuelle transformation de nos connaissances en citant un article de Warren Weaver (un scientifique qui développa dès 1944 la théorie de l’information en compagnie du célèbre Claude Shannon) sur la complexité organisée, où il tente d’analyser l’histoire de la perception de la réalité en trois étapes :
Les 17e, 18e et 19e siècles, époque du triomphe de la mécanique newtonienne furent essentiellement consacrés à l’analyse de la simplicité. Les sciences et les mathématiques de l’époque se chargeaient de comprendre les choses prévisibles, constantes, comme les mouvements des objets sous l’influence des forces physiques.
Le 20e siècle s’est intéressé à la complexité désorganisée : le hasard, les statistiques…
Le 21e siècle, lui, se heurte à la complexité organisée. Celle justement qui se caractérise par la constitution des réseaux.


Les théories de la complexité sont nombreuses : par exemple, il y a la théorie du chaos, celle des “automates cellulaires” chère à Stephen Wolfram, voire la cybernétique des années 50… mais aujourd’hui celle qui est peut-être la plus populaire (au moins dans les milieux du web, ce qui n’étonnera personne !) est la théorie des réseaux, notamment l’idée des “petits mondes” qui montre comment un certain type de connectivité peut très facilement permettre une mise en relation globale de tous ces éléments (la fameuse notion des “six degrés de séparation”). Selon ses promoteurs, tels que Duncan Watts, Steven Strogatz, ou Albert-Laszlo Barabasi, cette théorie permettrait de mieux comprendre toute une échelle de phénomènes, de la physique fondamentale à Facebook, en passant par le clignotement synchronisé des lucioles ou les rythmes du cerveau…


Et pour cause : tous ces ensembles sont en fait constitués de la même manière, à des échelles différentes, avec des composants différents. Comme l’a rappelé Lima “Le cerveau est un réseau constitué de neurones reliés par des axones ; la cellule est un réseau de molécules reliées par des produits chimiques ; les sociétés humaines sont constituées d’individus reliés par des relations amicales, familiales, professionnelles ; les écosystèmes entiers sont des réseaux d’espèces connectées par diverses interactions comme la chaine alimentaire.”


Il y a quelques années, en rédigeant sa thèse, Manuel Lima a créé un outil permettant de visualiser comment l’information se répand à travers les blogs : Blogviz, qui a suscité l’intérêt de nombreux chercheurs. C’est cette recherche sur la nature de la blogosphère qui a conduit Lima à s’intéresser plus avant aux structures fondamentales des réseaux, et à créer Visual Complexity. Ce site est un véritable catalogue illustré des systèmes complexes existant “à l’ère de l’interconnectabilité infinie”, un bestiaire de tous les types de réseaux existant dans notre univers.


On y trouve des centaines de modèles. Lima en a mentionné quelques-uns lors de son intervention.Des analyses de la blogosphère politique américaine, par exemple qui permettent de voir si les intersections entre blogs démocrates et républicains permettent de se faire une idée des résultats des élections. Une recherche du même type a été effectuée sur les soutiens à Ségolène Royal, qui incluaient de surcroit les coordonnées géographiques des différents participants.


Un autre type de visualisation, la “blogosphère hyperbolique” de Matthieu Hurst (cofondateur du siteBlogpulse) , concerne l’ensemble des blogs et a permis de visualiser des données surprenantes. On y découvre en effet l’existence, au milieu de tous ces sites interconnectés, de petits ilots isolés du reste de la sphère. Des blogs de gens très jeunes, interconnectés entre eux, mais qui ne font guère de liens vers le reste du monde./..../


Continuer la lecture sur le site source : Internetactu.net